Porteur maraicher DECAUVILLE
Publié : 02 juillet 2021, 12:11
Porteur DECAUVILLE
Salarié de l'atelier paysan et passionné de chemins de fer à voies étroites, j'ai souvent croisé au cours de mes périples, d'anciennes installations de ''porteur Decauville''.
J'ai également lu des articles sur l'utilisation de ces mêmes porteurs dans des exploitations agricoles, ce qui m'a poussé à explorer d'avantage cette piste, dont je partage ici quelques éléments. Un peu d’histoire :
Paul Decauville (1846-1922) chef d’entreprise, ingénieur et personnage politique d’Essonne, fils d'exploitant agricole en Beauce, spécialisé dans la production de la betterave sucrière, est l’inventeur de la voie ferrée qui porte son nom. Il s’agit d’une voie ferrée étroite (40, 50 ou 60 cm d’écartement) dont la conception permet la pose et dépose faciles. La voie est constituée de sections complètes (rails et traverses) qu’il suffit d’assembler les unes avec les autres, à la manière d’un jeu de construction, pour former des lignes voire des réseaux complets. On parle ainsi du ‘porteur Decauville’.
Paul Decauville est issu d’une famille d’agriculteurs aisés devenus peu à peu de véritables industriels. Lorsque Paul arrive aux affaires10, les ateliers Decauville réalisent déjà des ouvrages importants destinés aux grandes compagnies de chemins de fer (châteaux d’eaux, ponts métalliques, chaudières, réchauffeurs, etc.). Les compétences acquises par la société en construction mécanique et en chaudronnerie constitueront des atouts décisifs dans la mise au point rapide du ‘porteur’
Avant de servir dans de nombreuses applications partout à travers le monde, il fut d’abord créé un chemin de fer portatif de faible écartement pour sauver un stock de 9.000 tonnes de betteraves attendant dans des champs détrempés de Beauce, inaccessibles aux chevaux/tracteurs de l’époque.
Ce nouveau moyen de transport prit donc le nom de « Porteur Decauville ». Ces mêmes wagonnets sur rails qui apparaissent par la suite dans les mines, usines, entrepôts, carrières et jardins maraîchers, en particulier chez les maraîchers à Saint-Denis-en-Val (près du site de production de ces mêmes porteurs).
Le matériel roulant : De nombreux wagons furent inventés pour répondre aux besoins des maraîchers, d’autres pourraient être imaginés en complément :
• wagon plateau porte-tout (caisses, pierres, bois, bâches, outils, engrais...)
• wagon benne basculante pour déplacer du fumier
• wagon arroseur ou mouilleur ‘’automatique’’
• wagon tonne à eau (300 à 1000 l selon l'écartement)
• wagon à ridelles (1, 2 ou 4 cotés)
• Wagon pour caisse palette
• wagon tondeuse
• Wagon atomiseur/pulverisateur
…
Exemple d'un wagon ''mouilleur'' à avance automatique de l'époque : Reconstruction d'un modèle universel :
En 2021, l’industrie de chemin de fer et de l'acier en général, n'est plus aussi présente qu'autrefois. Il faudrait donc imaginer reprendre les modèles d'époque et les repenser avec les matériaux actuellement disponibles.
On pourrait partir d'une base de wagonnet de ce type :
Wagonnet universel sur lequel viendraient se greffer toutes sortes d'éléments :
La voie de 40 centimètres a été conçue comme étant la plus rigide et en même temps la plus portative. Elle peut se porter par travées de 5 mètres, dont le poids est de 47 kilos, en se plaçant au milieu et en prenant un rail de chaque main. Les rails sont rivés sur des traverses d’écartement espacées de 1,25 m et formées par une bande de fer plat de 8 centimètres de largeur sur 4 mm d’épaisseur. La jonction des voies se fait sans chevillette ni boulon, en posant simplement des travées au bout l’une de l’autre. L’un des bouts, appelés « bout mâle », est armé d’éclisses rivées sur un seul côté du rail. En poussant ce bout mâle sous le champignon du rail déjà en place appelé « bout femelle », on obtient une solidité telle que le voie peut être soulevée en entier sans que la jonction ne se détruise. Ce petit chemin de fer est donc aussi portatif que possible, puisqu’il peut se monter et se démonter instantanément sans l’aide d’aucun outil.
Aujourd’hui, on pourrait imaginer des voies plus légères, toujours de 40cm de large mais par 3m de long réalisées en fer U de 30x15mm, les traverses pourrait également être en U30x15 pour minimiser le coût de production. Portant le poids à 25kg/tronçon environ, déplaçable raisonnablement à 2 personnes, mais possible seul également. Les principaux avantages du Porteur Decauville :
• Ergonomie, possibilité de porter et déplacer de lourdes charges sans efforts intenses (un enfant de 6 ans peut pousser seul une charge de 500kg sur du plat et sans peiner)
• Fabrication très simple
• Entretien quasi nul
• Non-tassement des sols ou très faible dû à la répartition des charges sur la voie.
• Facilité de mise en place/modularité : réseau modifiable à souhait par Tronçons de 3 m de long, écartement 40, 50 ou 60cm..., 22 à 27kg/tronçon environ. Assemblage par emboîtements sans outil, tous les éléments sont réversibles.
• Faible coût de fabrication et très grande durabilité en comparaison avec les engins motorisés
• On peut aussi imaginer des petites motorisations sur batterie 12/24V pour réaliser des distances plus longues ou porter des charges très lourdes.
Les principaux Inconvénients du Porteur Decauville :
• Peu, voir pas adapté du tout aux terrains en pente.
• Traversé de route compliqué (passage à niveau à mettre en place)
• Le coût des rails peut monter rapidement pour de grosses exploitations ou le hangar/chambre froides est loin du site de production.
Un déclin inéluctable, mais peut-être pas définitif :
Le porteur decauville fut mis en concurrence direct par l’arrivée des tracteurs dans les fermes, ces mêmes tracteurs étant associés à un symbole de ‘’modernité’’. Les Guerres contribuèrent également à dépouiller les fermes de leurs voies ferrées, pour les transférer au front ou dans les forts, afin de déplacer munitions, armes, vivres, blessés et autres charges.
Conclusion :
Le « porteur maraîcher » de type Decauville, pour tous ces avantages, pourrait reprendre du service et prendre une place non-négligeable dans de petites exploitations maraîchères, on pourrait même peut-être lui trouver un nom plus commun pour imaginer ces services sur d’autres types d’exploitations : brasseries, meuneries, vignobles, mielleries, champignonnières, atelier de transfo… Une large plage d'utilisation ou un tracteur n'est pas nécessaire, et ou la brouette n'est pas satisfaisante ergonomiquement parlant..
Le plus gros avantage étant de gagner en confort de déplacement de charges, notamment auprès d’installations qui souhaitent se passer progressivement d’engins motorisés et/ou en complément d’une traction animale.
Au plaisir de lire vos retours, avis, ça nous intéresse, et pourquoi pas fédérer un groupe de paysan.nes pour imaginer et prototyper le grand retour du porteur DECAUVILLE !
Sources :
http://www.cfchanteraines.fr/lvdc/lvdc0015/carnet04.htm
https://www.historail.fr/urbain/les-voi ... -de-paris/
https://www.karodaxo.fr/hors-metropolit ... ecauville/
Eliot Coleman en parle dans son livre "produire des légumes en hiver", lorsqu'il évoque ses rencontres avec les derniers maraichers parisiens (notamment Louis Savier, à Ballainvilliers).
Livre de référence : Decauville, ce nom qui fit le tour du monde
Salarié de l'atelier paysan et passionné de chemins de fer à voies étroites, j'ai souvent croisé au cours de mes périples, d'anciennes installations de ''porteur Decauville''.
J'ai également lu des articles sur l'utilisation de ces mêmes porteurs dans des exploitations agricoles, ce qui m'a poussé à explorer d'avantage cette piste, dont je partage ici quelques éléments. Un peu d’histoire :
Paul Decauville (1846-1922) chef d’entreprise, ingénieur et personnage politique d’Essonne, fils d'exploitant agricole en Beauce, spécialisé dans la production de la betterave sucrière, est l’inventeur de la voie ferrée qui porte son nom. Il s’agit d’une voie ferrée étroite (40, 50 ou 60 cm d’écartement) dont la conception permet la pose et dépose faciles. La voie est constituée de sections complètes (rails et traverses) qu’il suffit d’assembler les unes avec les autres, à la manière d’un jeu de construction, pour former des lignes voire des réseaux complets. On parle ainsi du ‘porteur Decauville’.
Paul Decauville est issu d’une famille d’agriculteurs aisés devenus peu à peu de véritables industriels. Lorsque Paul arrive aux affaires10, les ateliers Decauville réalisent déjà des ouvrages importants destinés aux grandes compagnies de chemins de fer (châteaux d’eaux, ponts métalliques, chaudières, réchauffeurs, etc.). Les compétences acquises par la société en construction mécanique et en chaudronnerie constitueront des atouts décisifs dans la mise au point rapide du ‘porteur’
Avant de servir dans de nombreuses applications partout à travers le monde, il fut d’abord créé un chemin de fer portatif de faible écartement pour sauver un stock de 9.000 tonnes de betteraves attendant dans des champs détrempés de Beauce, inaccessibles aux chevaux/tracteurs de l’époque.
Ce nouveau moyen de transport prit donc le nom de « Porteur Decauville ». Ces mêmes wagonnets sur rails qui apparaissent par la suite dans les mines, usines, entrepôts, carrières et jardins maraîchers, en particulier chez les maraîchers à Saint-Denis-en-Val (près du site de production de ces mêmes porteurs).
Le matériel roulant : De nombreux wagons furent inventés pour répondre aux besoins des maraîchers, d’autres pourraient être imaginés en complément :
• wagon plateau porte-tout (caisses, pierres, bois, bâches, outils, engrais...)
• wagon benne basculante pour déplacer du fumier
• wagon arroseur ou mouilleur ‘’automatique’’
• wagon tonne à eau (300 à 1000 l selon l'écartement)
• wagon à ridelles (1, 2 ou 4 cotés)
• Wagon pour caisse palette
• wagon tondeuse
• Wagon atomiseur/pulverisateur
…
Exemple d'un wagon ''mouilleur'' à avance automatique de l'époque : Reconstruction d'un modèle universel :
En 2021, l’industrie de chemin de fer et de l'acier en général, n'est plus aussi présente qu'autrefois. Il faudrait donc imaginer reprendre les modèles d'époque et les repenser avec les matériaux actuellement disponibles.
On pourrait partir d'une base de wagonnet de ce type :
Wagonnet universel sur lequel viendraient se greffer toutes sortes d'éléments :
La voie de 40 centimètres a été conçue comme étant la plus rigide et en même temps la plus portative. Elle peut se porter par travées de 5 mètres, dont le poids est de 47 kilos, en se plaçant au milieu et en prenant un rail de chaque main. Les rails sont rivés sur des traverses d’écartement espacées de 1,25 m et formées par une bande de fer plat de 8 centimètres de largeur sur 4 mm d’épaisseur. La jonction des voies se fait sans chevillette ni boulon, en posant simplement des travées au bout l’une de l’autre. L’un des bouts, appelés « bout mâle », est armé d’éclisses rivées sur un seul côté du rail. En poussant ce bout mâle sous le champignon du rail déjà en place appelé « bout femelle », on obtient une solidité telle que le voie peut être soulevée en entier sans que la jonction ne se détruise. Ce petit chemin de fer est donc aussi portatif que possible, puisqu’il peut se monter et se démonter instantanément sans l’aide d’aucun outil.
Aujourd’hui, on pourrait imaginer des voies plus légères, toujours de 40cm de large mais par 3m de long réalisées en fer U de 30x15mm, les traverses pourrait également être en U30x15 pour minimiser le coût de production. Portant le poids à 25kg/tronçon environ, déplaçable raisonnablement à 2 personnes, mais possible seul également. Les principaux avantages du Porteur Decauville :
• Ergonomie, possibilité de porter et déplacer de lourdes charges sans efforts intenses (un enfant de 6 ans peut pousser seul une charge de 500kg sur du plat et sans peiner)
• Fabrication très simple
• Entretien quasi nul
• Non-tassement des sols ou très faible dû à la répartition des charges sur la voie.
• Facilité de mise en place/modularité : réseau modifiable à souhait par Tronçons de 3 m de long, écartement 40, 50 ou 60cm..., 22 à 27kg/tronçon environ. Assemblage par emboîtements sans outil, tous les éléments sont réversibles.
• Faible coût de fabrication et très grande durabilité en comparaison avec les engins motorisés
• On peut aussi imaginer des petites motorisations sur batterie 12/24V pour réaliser des distances plus longues ou porter des charges très lourdes.
Les principaux Inconvénients du Porteur Decauville :
• Peu, voir pas adapté du tout aux terrains en pente.
• Traversé de route compliqué (passage à niveau à mettre en place)
• Le coût des rails peut monter rapidement pour de grosses exploitations ou le hangar/chambre froides est loin du site de production.
Un déclin inéluctable, mais peut-être pas définitif :
Le porteur decauville fut mis en concurrence direct par l’arrivée des tracteurs dans les fermes, ces mêmes tracteurs étant associés à un symbole de ‘’modernité’’. Les Guerres contribuèrent également à dépouiller les fermes de leurs voies ferrées, pour les transférer au front ou dans les forts, afin de déplacer munitions, armes, vivres, blessés et autres charges.
Conclusion :
Le « porteur maraîcher » de type Decauville, pour tous ces avantages, pourrait reprendre du service et prendre une place non-négligeable dans de petites exploitations maraîchères, on pourrait même peut-être lui trouver un nom plus commun pour imaginer ces services sur d’autres types d’exploitations : brasseries, meuneries, vignobles, mielleries, champignonnières, atelier de transfo… Une large plage d'utilisation ou un tracteur n'est pas nécessaire, et ou la brouette n'est pas satisfaisante ergonomiquement parlant..
Le plus gros avantage étant de gagner en confort de déplacement de charges, notamment auprès d’installations qui souhaitent se passer progressivement d’engins motorisés et/ou en complément d’une traction animale.
Au plaisir de lire vos retours, avis, ça nous intéresse, et pourquoi pas fédérer un groupe de paysan.nes pour imaginer et prototyper le grand retour du porteur DECAUVILLE !
Sources :
http://www.cfchanteraines.fr/lvdc/lvdc0015/carnet04.htm
https://www.historail.fr/urbain/les-voi ... -de-paris/
https://www.karodaxo.fr/hors-metropolit ... ecauville/
Eliot Coleman en parle dans son livre "produire des légumes en hiver", lorsqu'il évoque ses rencontres avec les derniers maraichers parisiens (notamment Louis Savier, à Ballainvilliers).
Livre de référence : Decauville, ce nom qui fit le tour du monde